Yom HaShoah

Cette année marque mon deuxième Yom HaShoah en Israël. Avec le recul, je trouve incroyable de n’avoir jamais commémoré ce jour quand je vivais en France et je me sens limite honteuse pour ça. Mais l’heure n’est pas à l’autoflagellation.

Chaque année pour Yom HaShoah, nous nous souvenons de ceux qui ont péri pendant l’Holocauste parce que Juifs. En Israël, de nombreux événements sont organisés, notamment des rencontres avec des rescapés – soit dans les salons de personnes qui les accueillent (“Zicaron BaSalon”), soit dans des centres culturels. Avec Sandra, nous sommes allées à l’une de ces soirées hier. Nous étions plusieurs personnes dans une salle autour d’un couple, Sonia et Sami Issek, qui étaient venus pour nous raconter ce moment de leur vie.

Elle a été une enfant cachée mais lui a vécu les camps. Il avait 15 ans quand les Allemands l’ont emmené. Il ne pouvait plus trop parler donc c’est sa femme qui nous a conté son histoire. Ce moment où il a dû lâcher la main de son père, envoyé directement en chambre à gaz, ses soeurs qu’il n’a jamais revues, les deux ans où il a tenu comme il pouvait en ne pesant plus que 35 kilos à la fin, la Marche de la Mort, la tartine de margarine qui faisait office d’unique repas de la journée, le froid, les camarades exécutés… Nous avons vu son bras tatoué, ses yeux tantôt tristes, tantôt absents, son corps figé, comme si la vie s’était arrêtée là pour lui. Mais sa femme était là, ainsi que sa fille avec deux de ses enfants. Sa fille qui parlait beaucoup, qui nous disait comment elle avait vécu ça, comment la Shoah avait influencé sa vie, l’éducation de ses enfants, son comportement de maman au quotidien, etc. Elle représentait le triomphe de la vie sur la mort.

Nous sommes sorties de là sonnées et les yeux encore humides. Quand nous sommes rentrées, les rues étaient vides, les magasins avaient baissé leur rideau depuis bien longtemps. A la radio, il n’y avait que des chansons douces et tristes. J’ai fait des gaufres à Sandra, caution réconfort. Nous avons un peu parlé. Et puis nous sommes allées nous coucher.

Ce matin à 10 heures, l’alarme a retenti. J’étais à la maison. J’habite dans une avenue qui est très fréquentée, j’entends toujours les voitures filer à toute heure. Quand l’alarme s’est fait entendre, tout s’est figé. Les voitures se sont arrêtées. Tout le pays s’est arrêté mais moi je n’ai vu qu’une paralysie passagère dans mon tronçon de Derech Hebron. C’est représentatif de ce qu’il s’est passé partout en Israël. Quoi que nous fassions, nous arrêtons tout pour prendre le temps de nous souvenir ces 6 millions de personnes. Une infime fraction de notre journée que nous leur dédions. Et la vie reprend, on rallume la radio et les chansons tristes remplissent de nouveau le salon.

Je ne connais pas de pays qui respecte de manière aussi spéciale et totale son peuple. Je ne connais pas d’unité plus grande et de respect plus poignant. A Yom HaShoah, plus que jamais, je sais pourquoi je suis venue vivre en Israël et je sais que ma place est ici.

 

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